Keith Jarrett
Le cas de Keith Jarrett est plus qu’intéressant : il est passionnant, tant il pose de question, et livre d’enseignements.
L’artiste du célébrissime « concert de Cologne » est mondialement connu comme un des plus grands pianistes de jazz. Au passage, beaucoup ignorent qu’il est tout autant un improvisateur hors norme, ce dont ce fameux concert témoigne…. puisque toute la musique enregistrée alors est née à l’occasion même de la rencontre avec un piano qu’il jugeait problématique.
En plus de ses performances comme pianiste de jazz, Keith Jarrett a eu à coeur de se mesurer avec de grandes œuvres du répertoire classique. Il a ainsi non seulement joué, mais enregistré les Vingt-quatre Préludes et Fugues de Chostakovitch, et a éprouvé le besoin de se mesurer à la musique plus ancienne, à Bach et à Haendel. Pour ces compositeurs, il a décidé de toucher du clavecin, et a, de même, enregistré non seulement des œuvres en tant que soliste, mais également en tant qu’accompagnateur, réalisant des basses continues pour la viole de gambe de Kim Kashkashian, ou pour la flûte à bec de Michala Petri. Il a également enregistré des concertos de Bartok, de Harrison, ou de Mozart.
En tant que musicien de jazz, il s’est produit en soliste, au piano, mais aussi en quartet et en trio, et s’est également produit en tant que saxophoniste… allant jusqu’à chanter !
De plus en plus, il a proposé des compositions, non seulement de jazz, mais aussi de musique contemporaine non nécessairement cataloguée comme jazz.
Et c’est précisément là, que des enseignements étonnants surgissent. Car il y a l’épisode de la paralysie de la main gauche, puis de tout le côté, des pertes de mémoire, des annulations de plusieurs concerts, de la période de silence et de désert, de la tentative de reconquête. Consultant plusieurs thérapeutes, travaillant sur des outils différents, Keith Jarrett a notamment vu apparaître la suggestion d’un conflit, dans son parcours, entre le libre flux d’inspiration de l’improvisation, et l’inspiration mentalement contrôlée de la composition, sa paralysie matérialisant l’incompatibilité, pour lui, entre les deux voies ! Il appartient à l’homme, et à lui seul, de déterminer la réalité de tels diagnostics : mais la seule hypothèse, qui a été formulée dans plusieurs articles et documentaires, matérialise d’une manière inédite la question des pratiques des artistes pluriels !